Le coût du risque
À Montréal, l’industrie de la construction carbure aux projets majeurs d’infrastructures, industriels et vogue sur la vague du marché des constructions résidentielles. Qui eut cru à un tel engouement au début de la pandémie!
Avec cette effervescence, les entrepreneurs ne suffisent plus à la tâche, nous observons un retour du pendule qui depuis les 30 dernières années, favorisait les donneurs d’ouvrage.
On observe de moins en moins de soumissionnaires sur les projets. Là où autrefois, il y avait plusieurs invités à soumissionner, on en retrouve qu’un (1) ou deux (2) qui acceptent, et ce même pour des projets majeurs. Dorénavant, le donneur d’ouvrage passe du temps à annoncer, expliquer et discuter avec les entrepreneurs pour susciter de l’engouement et intérêts, or rien n’y fait.
En tentant de comprendre cette nouvelle réalité, on est forcé de regarder la perspective de l’entrepreneur, qui depuis toujours, choisit les projets en fonction de la rentabilité et des risques. Le climat actuel permet aux entrepreneurs de repousser et refuser les risques qui lui étaient attribués automatiquement, et ce, depuis trop longtemps. On note ici des risques associés aux gestionnaires du projet pour le propriétaire, des risques financiers, contractuels, de constructibilité et de coordination.
Les conditions contractuelles typiques développées par les différents donneurs d’ouvrage depuis les dernières décennies sont devenues déséquilibrées favorisant ce dernier et accentuant les risques ci-haut mentionnés. Les entrepreneurs ne sont plus prêts à accepter ces risques et les conditions déséquilibrés, et encore moins à se les faire imposer : dommages indirects, bonus & pénalités déséquilibrés, etc. En fait, ils ont le choix de contracter des conditions de plus en plus favorables.
Un « setup for Failure » avec des conditions financières et contractuelles typiques développées en silo est d’une autre époque, une époque où le coût de transmission de ces risques coûtait moins cher. Un concept de projet de construction extraordinaire, une construction complexe et avant-gardiste, un projet novateur environnemental peut être relégué aux oubliettes.
Cette nouvelle réalité peut être mitigée avec une équipe de gestionnaires expérimentées du client, qui savent ménager la chèvre et le chou. Mais sans cette assurance, l’entrepreneur joue souvent de prudence et inclut des provisions.
Cette nouvelle réalité fait en sorte que refuser de soumissionner sur les contrats de plusieurs dizaines et même des centaines de millions de dollars est plus courant que l’on ne le pense.
On est arrivé au point ou la gestion contractuelle gouvernée par les contentieux ou des financiers n’est plus le levier à privilégier. Transférer les risques aux entrepreneurs est beaucoup trop onéreux et devient un enjeu majeur. Pour y pallier, on doit revenir à la gestion de projet comme clef de voûte du succès. En ayant accès à tous les leviers tant techniques, commerciales et de construction, le gestionnaire avec des outils et l’expérience est un moyen pour gérer le risque et de s’en sortir à prix raisonnable.
Pour les projets publics d’envergure, il serait opportun de revisiter la loi sur les citées et villes qui n’est pas toujours appropriée pour ce nouvel environnement, un cadre trop rigide et limitatif, surtout pour des projets complexes.